Adaptation d’un petit gastéropode prédateur de nos côtes - SCIENCES DE LA VIE ET DE LA TERRE

Adaptation d’un petit gastéropode prédateur de nos côtes

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, par Webmestre

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La nucelle est un petit gastéropode très courant sur nos côtes rocheuses (Atlantique, Manche). Si vous vous déplacez sur les rochers en bord de mer, vous êtes sûrs d’en trouver en quantité. Elle se déplace dans la partie haute de l’estran (plage rocheuse), plus exactement dans la moitié inférieure de la zone recouverte par la marée..

Elle se nourrit de balanes et chtamales, ces petits crustacés cirripèdes (voir photos 1 et 2 – les repères de toutes les photos suivantes font tous 0,5 cm) qui couvrent littéralement la surface des rochers et ne détestent pas non plus se nourrir de moules un peu plus bas.

Elles pondent des œufs dans des sortes de capsules oblongues, chacune pouvant en contenir entre 20 et 60 environ, au mois de mars sur la face supérieure des crevasses des rochers (photo 3).

Il s’établit un équilibre très caractéristique entre les nucelles, les cirripèdes et les moules, comme principaux protagonistes, plus quelques autres selon les conditions de milieux, le tout en s’adaptant aux conditions de la dynamique des vagues et marées.
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En voici le résumé vu du côté des moules (résumé) ;

Côte rocheuse dans la zone des marées, on entre dans le royaume des moules …

A partir du bas de la zone des marées (deuxième moitié de la zone de balancement des marées) jusqu’à environ 4m de profondeur, on va rencontrer régulièrement des endroits du littoral plus ou moins recouverts de moules ; c’est un grand classique !

Ce sont bien entendu toujours des zones de rochers, car les moules sont adaptées à ce support et ne pourraient pas s’implanter ailleurs. Elles possèdent en effet des adaptations dans deux domaines qui leur permettent de coloniser ces endroits assez particuliers où beaucoup d’autres organismes seraient bien incapables de résister aux conditions d’environnement.

Elles sont tout d’abord de forme particulièrement aquadynamique, ce qui permet de donner le moins de prise possible aux vagues et courants marins qui balayent régulièrement et avec une force souvent importante ces zones rocheuses.

Elles disposent également d’un byssus, faisceau de fibres à la fois incroyablement résistant et très souple, dont l’extrémité est étroitement collée sur le rocher en une sorte de pastille. La matière qui le compose est un mélange de protéines et de glucides complexes, parfaitement imputrescible, c’est à dire indigeste même pour les bactéries, sécrété par une glande spéciale à la base du pied ; la glande à byssus ou byssogène. Le fait d’avoir un grand nombre de filaments de ce byssus répartis sur le rocher comme un parapluie entraîne une résistance accrue vis à vis des courants changeants ou des vagues qui entraînent l’eau dans un sens puis dans l’autre dans presque la même seconde ; un peu comme le mât d’un bateau étayé par des haubans qui résiste parfaitement à la fois aux rafales irrégulières du vent et aux mouvements de tangage et roulis imprimés par la mer. A l’instar des balanes, chtamales ou patelles, les moules sont donc adaptées aux rochers.
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Des colonies changeantes avec le temps …

Les moules forment dans la zone des marées sur les rochers de véritables bancs qui recouvrent littéralement la surface disponible mais si on y regarde de plus près, il y a des variations importantes dans la répartition et les caractéristiques de ces populations d’individus, sans compter qu’il n’y a pas que des moules installées à cet endroit.

On peut tout d’abord remarquer trois parties dans la zone d’implantation des moules et le long de la verticale ;


 une bande dans le haut de l’estran où l’on trouve des moules plutôt malingres, dont la population est clairsemée et qui partagent la place avec des balanes, souvent des Semibalanus balanoïdes, ces petites balanes qui nous écorchent quand on marche pieds nus sur les rochers. Elles sont malingres car on sait qu’il faut que la moule soit dans l’eau pour pouvoir la filtrer et donc se nourrir des particules en suspension de la bonne taille. On sait également qu’elles doivent être immergées plus de 75% du temps si elles veulent pouvoir croître de façon satisfaisante. Donc plus elles sont implantées vers le haut de l’estran, et plus elles ont du mal à se nourrir suffisamment pour grandir convenablement, vu le temps hors de l’eau qui se rapproche des 75% fatidiques, d’où les populations un peu clairsemées et malingres du haut. Le développement des moules est donc inversement proportionnel au temps passé hors de l’eau.

 Une zone au milieu de la bande occupée par les moules qui se composent d’une population pouvant être très dense, composée d’individus à croissance satisfaisante car dans l’eau plus de 75% du temps. Elles sont tellement bien en place qu’elles laissent peu de place aux autres organismes. Ce niveau est situé à un emplacement en équilibre avec les différents facteurs antagonistes en présence. Il y a en effet au dessus le manque d’eau qui limite le développement des moules et de beaucoup d’organismes. En bas de la zone, on est toujours dans l’eau ce qui est favorable, mais il y a également tous les autres organismes avec qui il faut composer, sinon résister et se défendre, quand on le peut …

 La zone du bas, presque toujours dans l’eau, où les conditions de vie sont idéales pour grandir et se reproduire mais occupée par de nombreux autres organismes prédateurs qui viennent régulièrement se servir sur notre population. Il en résulte donc des attaques constantes qui déciment régulièrement nos rangs ; il est facile d’y vivre mais c’est dangereux ! On va voir dans le temps des modifications importantes de la répartition des populations d’organismes les uns par rapport aux autres.
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On peut même observer à ce niveau un cycle d’occupation de la place sur une période d’une dizaine d’années dans notre région ; observation initialement faite dans la baie de St Malo :

En partant d’une situation initiale où l’on va trouver trois acteurs en équilibre ; la balane, la moule – deux filtreurs fixés sur les rochers - et la nucelle – leur prédateur principal à cet étage, on voit évoluer les populations d’une année sur l’autre.

La première année, une belle population de moules recouvre, quasi sans interruption, le rocher sur la bande à la bonne hauteur de la marée. Par-ci par-là, une ou deux balanes, mais qui ont bien du mal à exister dans cette foule des moules. Quelques nucelles prédatrices aussi qui se nourrissent de ce qui est le plus abondant et le plus facile à prélever : les moules. Devant l’abondance de nourriture, la population de nucelles s’accroît et exerce une pression de prédation de plus en plus importante sur les moules qui commencent à souffrir de ces attaques. Il apparaît petit à petit des espaces vides, au bout de deux ou trois ans, sur le rocher qui sont immédiatement comblés par les balanes ; vous savez, celles qui étaient si clairsemées au début. Comme les nucelles se concentrent sur les moules, à la fois plus faciles à prédater et pourvoyeuses de plus de nourriture à la fois, les balanes peuvent se multiplier sans trop subir d’attaques.

Vers la cinquième année, il reste des îlots de moules entourées d’une population de balanes dominante qui a méthodiquement recouvert tous les espaces libres laissés par les moules ayant servies de proies aux nucelles.

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C’est alors que les nucelles vont progressivement reconsidérer leur comportement alimentaire. Aller chercher les dernières moules qui restent demande des efforts et des déplacements parfois importants alors qu’il suffit de ce baisser pour attaquer les balanes qui sont devenues omniprésentes. Par ailleurs, et comme une balane ne donne pas autant de nourriture qu’une moule, la population de nucelles décroît sensiblement pour s’adapter quantitativement à cette nouvelle source de nourriture ; on est alors vers la septième année d’observation du cycle. A leur tour, les balanes vont subir de plein fouet la pression de prédation des nucelles alors que les moules, laissées un peu tranquilles, commencent à réoccuper les lieux laissés vacants par les balanes.

On arrive bientôt, au bout d’une dizaine d’années, à la situation initiale où les moules occupent à nouveau outrageusement l’espace et où il reste quelques balanes par-ci par-là … et le cycle recommence.
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A cette situation d’équilibre à trois s’ajoute des complications, comme bien souvent dans un milieu aussi foisonnant et complexe. Les nucelles ne sont pas les seuls prédateurs des moules … où des balanes ; il y a également les oiseaux en haut de la bande occupée par les moules, comme les tournepierres, les huîtriers pies et autres grands gravelots. Mais vers le bas de cette bande, dans l’eau en permanence, ils seront remplacés par des étoiles de mer (Asteria rubens), des crabes comme le tourteau (Cancer pagurus et Carcinus maenas) et quelques poissons si ils arrivent à remonter aussi haut. En fait, dans cette bande du bas, les moules ont une espérance de vie de trois ans en moyenne, même si les conditions de croissance sont idéales alors qu’elles peuvent vivre jusqu’à 20ans si elles sont protégées de la prédation. On comprendra donc dans ces conditions pourquoi les moules sont assez petites dans cette zone, apparemment favorable, alors qu’elles sont plus grosses dans la bande du milieu où les prédateurs des deux côtés ne sont pas vraiment à l’aise. Le tout sans compter avec l’action de prédation des humains, capables en une grande marée, de nettoyer une grande partie d’une population de moules patiemment installée contre vents et marées, c’est le cas de le dire !

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… Un dernier point à noter ; les moules s’installent plus facilement sur des rochers placés en des endroits où la mer est souvent forte, on dit en mode battu où les conditions sont plus inaccessibles pour un prédateur, alors qu’elles même, comme nous l’avons indiqué plus haut, sont adaptées à la force des vagues et du courant. Si elles se trouvent dans un environnement plus abrité (mode abrité), elles vont avoir des conditions plus favorables de développement mais être plus soumises à la prédation car les prédateurs pourront plus facilement gérer des conditions plus faciles.

Cette digression sur les moules nous permet de voir le rôle de régulateur que les nucelles remplissent dans l’équilibre du réseau trophique de l’estran et l’on arrive à une observation intéressante les concernant, car eux même subissent une pression de prédation de la part des crabes verts (Carcinus maenas) qui constituent donc un facteur biologique. On a donc, s’exerçant sur les nucelles, deux facteurs principaux qui sont la pression de prédation des crabes verts et l’action dynamique des vagues qui est un facteur physique.

Toutes les nucelles n’ont pas la même forme (on dit un morphe) selon les populations (génétiques) auxquelles elles appartiennent et cette forme dépend essentiellement de la dynamique de la mer, l’action des vagues, sur le littoral où on les trouve.

Sur une plage rocheuse abritée, au fond des baies, on va trouver une forme telle que sur les photos 6 et 7 avec les caractéristiques suivantes ;


 forme globuleuse, à coquille épaisse (deux fois plus en moyenne que celles des milieux battus) et stries peu marquées. Ouverture petite et très enfoncée. On a choisi de mesurer un rapport ; largeur maximale de la coquille sur largeur de l’ouverture. Cette dernière largeur est à prendre entre les bords de l’ouverture (voir sur les photos 8 et 9) qui diffèrent selon les populations venant d’environnements plus ou moins soumis à l’action des vagues.

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Pour bien comprendre ces différences de mesures, il faut savoir que l’ouverture permet au pied de sortir de la coquille, le bord des coquilles de nucelles de milieux abrités, épais, ne permet pas de laisser de la place pour la sortie du pied alors qu’il en est ainsi pour la coquille d’une nucelle de milieu battu.

La taille des nucelles mesurées est de peu d’importance car c’est le rapport entre les deux largeurs chez le même individu qui compte ; on peux en profiter pour expliquer aux élèves que la proportionnalité est un moyen très sûr de comparer des individus d’une ou plusieurs populations vivantes … transversalité entre math et SVT par exemple, etc ..

On peut ainsi faire des mesures sur le plus grand nombre possible d’individus de populations de nucelles pour savoir quelle peut être leur provenance en ce qui concerne la dynamique du bord de mer d’où elles proviennent (photos 10 et 11).

… Le plus grand nombre car c’est un chiffre moyen qui sera significatif en matière d’écologie (autre notion indispensable).

On peut ainsi proposer aux élèves de mesurer des populations de nucelles provenant des deux milieux différents et de réaliser eux même des tableaux pour comparer ces populations. Le rapport l/l devant leur permettre de dire quel était le type de milieu où les deux populations ont été trouvées.
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Voici à titre d’exemple (utilisables par les élèves) deux séries de dimensions prises dans deux populations venant des deux milieux :

Les dimensions de la population 1 sont celles d’un échantillon mesuré à Goury, à la pointe de la Hague (milieu très battu ; on aura les mêmes chiffres à la point d’Antifer) ; celles de la population 2 proviennent d’un échantillon mesuré à Courseulles, dans la baie de Seine (milieu plutôt abrité).

Les élèves voient tout de suite que le rapport l/l de la population 1 varie peu autour de 2,3 tandis que le même rapport varie autour de 3,9 avec des écarts types plus importants, cependant, pour la population 2. Ces valeurs assez différentes sont suffisantes pour pouvoir distinguer facilement un individu venant de tel ou tel milieu.
Il existe également un certain nombre de valeurs intermédiaires correspondant à des individus vivants dans des milieux dont la dynamique des vagues est intermédiaire (photo 11 – l/l = 2,9).

On peut se poser la question du pourquoi de cette différence, sachant qu’elle est le résultat d’une sélection naturelle due aux deux facteurs biologique et physique précités à partir de morphes issus de mutations.
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En rassemblant les différents éléments mis en exergue précédemment, on peut faire le résumé suivant ;

 les nucelles sont des prédateurs de cirripèdes et de moules sur les estrans rocheux – dans la partie inférieure de la zone de balancement des marées.
 Elles sont elles mêmes soumises à la prédation des crabes verts - les crabes verts sont surtout présents à partir de la limite inférieure de la basse mer, donc dans l’infralittoral.
 Les morphes de la coquilles des nucelles dépendent de la dynamique des vagues qui s’exerce à l’endroit où vivent les populations.

L’interprétation écologique la plus admise actuellement est que les populations de nucelles des milieux battu développent un pied puissant pour pouvoir résister le mieux possible à la force des vagues qui s’exerce directement sur le rocher qui n’amorti pas cette dynamique. On voit donc se développer une population sélectionnée par le facteur physique de la dynamique des vagues dont le morphe est une coquille allongée (meilleure aquadynamisme) avec une ouverture large permettant à un pied plus développé. La coquille est plus légère (moins épaisse) pour avoir une coquille offrant moins de prise (au niveau du poids) également.

Dans un tel milieu, les crabes verts ne s’aventurent que très rarement car ils sont très vulnérables à l’action des vagues. Ils restent plus en profondeur, là où cette dynamique se fait moins sentir.

En milieu abrité, les nucelles subissent de façon beaucoup plus accrue la prédation des crabes verts qui peuvent remonter beaucoup plus haut sur l’estran, puisque l’action des vagues se fait moins sentir. La population de nucelles sélectionnée aura donc une coquille beaucoup plus épaisse (jusqu’à deux fois) entraînant une forme plus arrondie et globuleuse, en même temps qu’une ouverture nettement plus étroite et enfoncée pour offrir moins de prise aux pinces de ces crabes verts. Cela réduit bien entendu la possibilité du développement du pied mais cela n’a pas beaucoup d’influence (c’est non limitant) sur la capacité de fixation des nucelles sur les rochers dans ce milieu peu battu.

A ce titre, on rencontre uniquement dans les milieux abrités des nucelles ayant des coquilles déformées qui résultent de tentatives de prédation par les crabes verts (photos 13 et 14), on peut éventuellement se servir de cette élément d’observation supplémentaire pour conforter cette interprétation auprès des élèves.

Bel exemple de sélection naturelle sur une espèce locale correspondant à des adaptations à partir de mutations dans des populations soumises à des facteurs environnementaux différents. … que l’on peut facilement faire toucher du doigt à nos élèves !!
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